Sourires de loup – Zadie Smith


Lectures

 

Ce siècle aura été celui des étrangers, bruns, jaunes et blancs. Celui de la grande expérience de l’immigration. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on peut entrer dans une école et y trouver Isaac Leung au bord de la mare, Danny Rahman dans les buts sur le terrain de foot, Quang O’Rourke jouant avec un ballon de basket et Irie Jones fredonnant une chanson. Des enfants dont le prénom et le nom sont apparemment incompatibles. Des noms qui évoquent exodes massifs, bateaux et avions bondés, arrivées dans le froid, visites médicales. Ce n’est qu’aujourd’hui, et peut-être seulement à Willesden, que les inséparables Sita et Sharon sont constamment prises l’une pour l’autre parce que Sita est blanche (sa mère avait un faible pour ce prénom) et que Sharon est pakistanaise (sa mère a jugé un prénom anglais préférable, pour éviter les ennuis). Et pourtant, en dépit de ce mélange, en dépit du fait que nous nous sommes glissés dans la vie les uns des autres sans trop de problèmes (comme un homme qui rejoindrait le lit de sa maîtresse après une petite promenade nocturne), il est toujours aussi difficile d’admettre qu’il n’y a pas plus anglais que l’Indien, et pas plus indien que l’Anglais. Et il existe encore des Blancs, qu’un tel état de choses contrarie, pour débouler, à l’heure de la fermeture, dans les rues mal éclairées, un couteau de cuisine au poing.

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